Ça devrait être gratuit ! ou pas…
C’est à croire qu’on a le droit d’être payé que pour des métiers qui détruisent l’environnement…. ?
Il faut du temps pour expliquer comment fonctionne l’économie à des personnes qui croit que tout devrait être gratuit, encore plus quand on voit la situation du climat et de la biodiversité. Je vais essayer d’expliquer quel sont les éléments qui me font dire le bénévolat et la gratuité sont des concepts dangereux, et comment trouver un juste milieu. Prenez le temps de rester jusqu’à la conclusion et laissez un commentaire si ça n’a pas changé votre avis.
Alors, déjà, il faut comprendre que jamais rien n’est gratuit, il y a toujours quelqu’un qui paie.
Est-ce qu’il vaut mieux tout faire gratuitement et laisser les pires se faire de l’argent sur notre dos ? Ou faire en sorte que l’argent redevienne de quel devrait être, un outil ?
Si c’est gratuit, c’est vous le produit !
Et si on apprenait à faire la différence entre un indépendant qui essai de faire une proposition et le grand patron qui arnaque ses salariés ?
Échanger de l’argent et du temps contre du sens ?
La plupart des actions qui ont du sens aujourd’hui, ne se trouve pas dans les entreprises, mais dans les associations. Malheureusement, comme les associations n’ont pas toutes de modèle économique et dépendent souvent de dons, elle peuvent difficilement embaucher.
Est-ce que le travail en entreprise est voué à ne pas offrir de sens ? Heureusement non, et les entreprises de l’ESS (économie social et solidaire) tentent de le démontrer chaque jour.
Dans le cas de l’entrepreneuriat, il est aussi possible de se créer un métier sur mesure. C’est à dire un métier qui correspond directement à nos valeurs, à notre échelle.
Pourquoi ne pas faire trop de bénévolat ?
Déjà, on ne vit pas du bénévolat. Il est nécessaire de prendre conscience de la valeur de notre temps.
Vous pouvez offrir gratuitement votre temps, mais en aucun cas votre temps ne doit être gratuit.
C’est quoi la différence vous me direz ? Même un travail bénévole doit avoir un prix, même si vous l’offrez. Il y a plusieurs raisons à cela, voici les plus évidentes :
- La concurrence déloyale, c’est-à-dire voler le travail de quelqu’un d’autre en fournissant un service gratuit là où quelqu’un aurait pu en vivre. Il faut savoir faire là différence entre un indépendant qui gagne sa vie et un grand patron capitaliste.
- Tout ce qui est gratuit a forcément été payé par quelqu’un, pour une raison ou pour une autre,
- Quelque chose de gratuit renvoie généralement l’image d’un service de mauvaise qualité et donc un faible engagement de la part de votre public et vos partenaires,
- Difficile de faire des investissements sans argent, et donc de grossir et gagner en influence,
- Dans le cas de métiers de la transition, des métiers qui ont du sens, on souhaite généralement faire passer un message à la société. Ne pas être payé est la meilleure façon de tuer votre message, puisque vous serez obligé de reprendre un boulot alimentaire le jour où l’argent manquera,
- Vous prenez le risque de vous faire exploiter, sur le long terme, sans retour ni-financier ni-reconnaissance quelconque,
- Donner un prix à votre temps n’empêche pas d’offrir vos services, mais cela implique que vous indiquez vos limites à la personne à qui vous l’offrez. Au lieu qu’il prenne votre travail pour acquis, cela envoi le message que vous êtes en train de faire un cadeau, une exception, et que votre travail ne sera pas toujours bénévole,
- Une entreprise qui ne survit que grâce au bénévolat, implique que les clients ne croit pas suffisamment en elle pour payer un juste prix. C’est donc qu’elle est voué à disparaître et qu’il vaudrait mieux passer à autre chose.
Pourquoi faire payer ses services ?
En général, pour être efficace, il faut pouvoir s’y mettre à plein temps, tenir des valeurs et des objectifs.
Pour s’y mettre à plein temps, il faut pouvoir en vivre.
Si 99% de la population est payée à faire un boulot qui est destructeur, pourquoi quelqu’un qui se concentre à faire quelque chose qui ait vraiment du sens n’aurait-il pas le droit d’en vivre ?
Avoir un impact signifie qu’il faut aussi atteindre une certaine taille. Et pour grandir, il faut investir. Et donc, il faut de l’argent.
Si un investisseur vous donne de l’argent, vous devenez dépendant de lui. Ce n’est pas toujours forcément souhaitable. Par contre, si vos clients apprécient votre service, ils votent avec leur argent à la hauteur de la valeur que vous leur apportez. C’est une mesure de leur satisfaction. Et alors vous pouvez investir.
Il est aussi parfois nécessaire de rassembler du capital pour développer des gains d’échelles. Cela signifie suffisamment d’argent pour des machines qui consomme moins d’énergie. Cela signifie moins de dépenses d’énergie et donc moins d’émission de CO2 et moins de pollution (mais attention à l’effet rebond).
Et enfin, avoir suffisamment d’argent permet que l’entreprise survive et se développe.
Normalement, nous faisons partie nous même de ceux qui essayons des modèles différent, les gentils. Savoir que nous ne faisons pas cela pour devenir riche, mais pour en vivre, c’est bien suffisant : )
Tant qu’on a confiance en soi-même, sur la façon dont on gagne et sur la façon dont on dépense cet argent, il suffit d’avancer, et de faire de son mieux.
Faire tourner l’économie, oui, mais quel économie ?
Si tous les échanges du monde de la transition se font gratuitement, plus personne ne peut payer* personne.
- Cela devrait être normal d’être payé pour son travail, encore plus dans le monde de la transition, sinon c’est un manque de respect envers celui qui travaille,
- Il sera plus difficile de payer votre voisin. Si le monde de la transition ne peut plus profiter d’un outil aussi efficace que l’argent, alors vous ralentissez les échanges possibles dans le monde de la transition. Moins vous vous faites payer, moins il y a d’argent qui transite dans le monde de la transition. Alors que le monde financier/capitaliste continue d’accélérer, de rassembler du capital et donc d’appauvrir tout le monde, tout en polluant la planète.
- Vous faites-vous confiance ? Même si vous gagniez de l’argent, avez-vous suffisamment confiance en vous-même pour vous dire que cet argent sera bien dépensé ? (quitte à faire un don à une association).
Comme en permaculture ?
Un des principes de la permaculture est de densifier la zone où l’on dépense de l’énergie, et de réduire la taille de l’espace où l’on travaille. Injecter suffisamment d’énergie dans une petite surface permet d’atteindre des effets de seuil. C’est à dire où le système commence à générer de l’abondance.
Cette abondance, un surplus de production, peut alors être re-distribué, voir même rendu à la terre pour la préserver.
C’est le même principe avec l’argent. Tout le monde sur cette terre pense qu’il utiliserait mieux l’argent de son voisin que son voisin.
Donc, dans un monde idéal, chacun gagnerait ce qu’il lui faut pour vivre. Mais dans un monde capitaliste comme aujourd’hui, où l’argent appelle l’argent, et qui finit par s’accumuler dans les mains de quelques uns, la meilleure façon de mieux redistribuer l’argent, est d’en gagner et de le ré-distribuer soi-même.
On vote d’abord avec son temps et son énergie, puis avec son argent. On vote tous les jours. Plus d’argent signifie plus de votes, et une plus grande facilité à transformer son environnement, et donc aussi une plus grande facilité à le régénérer.
Est-ce que tout devrait être payant pour autant ?
Tout est une question d’équilibre. Il faut aider quand on peut. Si personne ne réagit, il est important d’agir.
Tout ne devrait pas être monétisable (la nature), mais le travail doit l’être. Tant qu’il s’agit de temps, c’est forcément monétisable, ne serait-ce que par des subventions publique (mais ça présuppose une organisation étatique saine).
L’entraide est souhaitable, mais l’effort sur le long terme est rarement possible sans financement. Au delà d’un certain point, il faut s’adapter, ou réussir à créer une structure qui pérennise l’aide.
Le bénévolat est quelques chose d’instable, et il est aussi nécessaire de valoriser le temps des bénévoles, et de fournir une forme de réciprocité, soit en comptabilisant le travail réalisé, ou en trouvant une rémunération autrement que par l’argent (Woofing, Légimitité, Visibilité, Réseautage, Accompagnement, Idées, Amitié …etc)
Au niveau individuel, chacun est responsable de soi, à vous de trouver vos limites entre ce que vous souhaitez offrir, et ce que vous souhaitez vendre.
« Ne jamais travailler pour de l’argent, ne jamais travailler gratuitement. » Après, ça n’empêche pas de s’entraider de temps en temps
De belles réflexion qui en appellent d’autres ! Merci
Je partage ce site à une association “bébé” dont les membres échangent et décident des nouvelles façons d’être “valoriser” quand le bénévolat co-voisine avec l’activité rémunérée. Les temps charnières que nous vivons sont une fabuleusement opportunité pour innover !